LOI FORMATION PROFESSIONNELLE, emploi et démocratie sociale
La Loi sur la réforme de la formation professionnelle adoptée au Sénat le 27 février 2014, a été promulguée le 5 mars 2014. Elle entrera en vigueur en janvier 2015 et annonce déjà de grands changements en ce qui concerne les relations entres les entreprises et les salariés au sujet de la formation professionnelle.
Cette réforme a pour but d’orienter les financements vers les salariés qui en ont le plus besoin. Désormais, les entreprises doivent non seulement payer mais surtout former leurs salariés. Cela doit favoriser le dialogue social et l’échange.
Autre nouveauté : les financements ainsi que les organisations patronales et salariales sont entièrement revus. En résumé, les salariés obtiennent de nouveaux droits, les entreprises voient leurs obligations fiscales allégées, et la politique de gestion et de financement de la formation professionnelle est totalement modernisée.
Le CPF Remplace Le DIF
Première grande mesure, le CPF (Compte Personnel de Formation) remplace le DIF (Droit Individuel à la Formation). Ce compte s’ouvre dès 16 ans (voire 15 sous certaines conditions, par exemple si un jeune est en apprentissage) et se clôture au départ en retraite. Il peut être ouvert indépendamment de son statut (demandeur d’emploi, salarié, apprenti…) et doit permettre d’acquérir un premier niveau de développement ou même d’acquisition d’un socle de compétence.
Il s’alimente de la même manière que le DIF : chaque année, des heures de formations sont créditées (24 heures par an jusqu’à 120 heures puis 12 heures par an pour atteindre les 150 heures au maximum au bout de 7 ans) afin de permettre à un salarié de suivre une formation. D’autres possibilités pour alimenter le CPF seront mises en place, dans le but de faciliter l’accès à des formations qualifiantes de longue durée. En cas de temps partiel, le nombre d’heures ajouté sur le CPF sera calculé en fonction du temps de travail effectué.
Avec ce changement, l’objectif est de faciliter l’accès à des formations qualifiantes. Le CPF est transférable d’une entreprise à une autre puisque toutes les informations sont informatisées. Le quota d’heure ne sera donc plus remis à zéro, comme auparavant, lorsqu’un salarié changera d’entreprise ou sera demandeur d’emploi. L’accord de l’employeur ne sera nécessaire que dans le cas où le salarié effectue sa formation sur son temps de travail. Ainsi, l’accord de l’employeur ne sera pas nécessaire lorsque la formation aboutira à l’acquisition d’un socle de compétence. En revanche, pour les demandeurs d’emploi, il n’y aura pas besoin de demander l’accord du Pôle Emploi.
Au total, 3 types de formation sont éligibles au CPF : les actions de formation du socle de connaissances, l’accompagnement à la VAE (Validation des Acquis et de l’Expérience) et enfin, les formations aboutissant à un titre inscrit au RNPC, ou bien inscrites à un programme de qualification propre à chaque région, ou encore, à une certification personnelle établie par la CNCP.
Le financement du CPF sera effectué par l’employeur dans le cas où un accord aura été conclu. Dans ce cas, l’employeur prendra en charge tous les frais relatifs à la formation (transports, hébergement…). Si aucun accord n’a été prévu, la formation sera prise en charge par l’OPCA. Un dialogue social devra être établi entre l’employeur et le salarié pour trouver un accord sur le plan de formation et les différents moyens d’alimenter le CPF.
Le Compte Personnel de Formation ne pourra être débité qu’avec l’accord du bénéficiaire. Il ne pourra pas être diminué en cas de changement d’employeur, peu importe le nombre de changements. Le titulaire de ce compte a le droit de refuser de l’utiliser, cela ne consiste en aucun cas en une faute. Enfin, en cas de licenciement, même pour faute lourde, le titulaire du CPF conserve son crédit d’heures. Dernière précision, les heures acquises sur le DIF et non utilisées avant janvier 2015 seront transférées sur le CPF.
Ce CPF doit permettre aux demandeurs d’emploi et aux salariés les moins qualifiés de bénéficier davantage de la formation.
Entretien Personnel Et Périodique
Pour favoriser la progression professionnelle des salariés, un entretien personnel et périodique devra être organisé tous les deux ans entre les dirigeants de l’entreprise et ses salariés. Il remplace les différents entretiens et bilans organisés précédemment. Cet entretien pourra également avoir lieu avec une reprise d’activité (fin de congé maternité ou parental, arrêt maladie, mandat syndical). Le bilan de cet entretien devra être rendu par écrit. Un modèle de compte-rendu sera accessible sur le site de l’OPCA. Il permet d’aborder l’évolution professionnelle pour le salarié notamment en terme d’emploi et de qualification. Enfin, tous les six ans, l’entreprise devra établir un bilan des compétences et du parcours professionnel de ses salariés.
Dans le cas où l’entreprise ne dresse pas ce récapitulatif, le CPF du salarié sera crédité de 100 heures et l’employeur devra verser une somme à l’OPCA. Mais attention, cet entretien personnel qui est un droit pour le salarié, ne remplace en aucun cas l’entretien annuel d’évaluation mis en place pour les entreprises. Il a pour but d’inciter le salarié à se former, et donc, à utiliser son « crédit d’heures » disponible sur son CPF.
Financement : Une Contribution Unique
Troisième grande nouveauté apportée par cette réforme, la déclaration fiscale « 24-83 » disparaît. Avec cette déclaration, les entreprises versaient une contribution fiscale de 1,6% et n’étaient ainsi pas obligées de former leurs employés. En versant cette contribution, les entreprises se dispensaient de former leurs salariés.
Désormais, les employeurs doivent verser une contribution unique à un seul OPCA. Cette contribution s’élève à 0,5% pour les entreprises de moins de 10 salariés et de 1% pour les entreprises d’au moins 10 salariés. De ce fait, l’employeur a l’obligation de contribuer au développement de la formation professionnelle en finançant des actions. En effet, l’entreprise devra apporter la preuve que le salarié s’adapte bien à son travail avec, pourquoi pas, une augmentation de sa qualification voire de son salaire. Les entreprises sont donc beaucoup plus responsabilisées qu’auparavant et n’ont plus une obligation fiscale mais bel et bien une obligation sociale.
Le nouveau système de financement dépend donc de la taille de l’entreprise (entreprise de moins de 10 salariés, entreprises de 10 à 99 salariés et entreprises de plus de 100 salariés).
1% Formation, CPF, CEP, Apprentissage…
Autre grande mesure pour les entreprises : l’allègement de certaines contraintes. L’entreprise ne devra plus verser un financement pour les compétences de ses salariés égal à 0,9% de sa masse salariale puisqu’en réalité, les entreprises dépensent beaucoup plus que l’obligation minimale (environ 2,7% en moyenne). En contrepartie, les entreprises devront verser 1% de leur masse salariale (appelé le « 1% formation ») à des dispositifs axés sur la formation professionnelle (par exemple, le CPF). C’est une contribution unique et obligatoire pour toutes les entreprises de plus de 10 salariés.
D’autres mesures sont créées. Par exemple, le CEP (Conseil en Evolution Professionnelle) est également instauré. C’est un service accessible à tous et totalement gratuit. Son but est d’accompagner les projets d’évolution professionnelle des salariés mais aussi des demandeurs d’emploi en fonction des besoins économiques au niveau territorial. Il permet d’assurer une continuité entre les acteurs de la formation professionnelle pour faciliter l’accès à la formation. Il sera mis en oeuvre par le Pôle Emploi, les missions locales pour les plus jeunes, l’APEC, le Cap Emploi.
Le CEP a pour but de repérer les personnes qui ont des lacunes en français (illettrisme) ou en mathématiques pour mieux identifier leurs compétences, les aiguiller dans leur orientation et, ainsi, leur proposer à terme, un projet professionnel.
Grâce à la réforme de la formation professionnelle, l’apprentissage évolue. L’objectif est de multiplier le nombre d’embauches en CDI après un apprentissage au sein d’une entreprise. Ainsi, les règles de gestion et la taxe d’apprentissage sont revues pour améliorer la qualité de l’apprentissage. Une partie de la nouvelle taxe sera prise en charge par les régions. Les CFA auront un rôle plus important et devront aider les jeunes à rechercher un employeur pour décrocher un emploi. Au total, cette réforme devra permettre de former 500 000 nouveaux apprentis par an.
Une très grande place est accordée à l’emploi des jeunes puisque cette réforme doit augmenter le nombre de contrats de génération notamment dans les entreprises de taille moyenne. De plus, les contrats de professionnalisation principalement basés sur le tutorat, seront désormais accessibles aux salariés en contrat unique d’insertion et aux personnes faisant partie de structures d’insertion. Ces périodes de professionnalisation pourront donner lieu à des formations qui aboutiront à l’acquisition d’un socle de compétences.
Enfin, le célèbre contrat de génération dont l’idée est d’embaucher un jeune formé par un sénior, s’adressera désormais aux jeunes jusqu’à 30 ans (et non plus 26 comme actuellement).
Les branches professionnelles devront obligatoirement négocier à nouveau leurs accords pour les adapter à cette réforme qui apporte des changements au niveau des financements et à la création CPF. Ces branches professionnelles ont un rôle très important puisqu’elles doivent s’assurer que les compétences liées au métier sont toujours respectées. Elles mènent également des études pour définir clairement les besoins en main d’oeuvre en relation avec le CEP.
Les branches professionnelles sont totalement restructurées. Dans le cas où moins de 5% des entreprises adhèrent à une organisation patronale, cette branche pourra être élargie à une autre branche ayant des conditions économiques et sociales semblables. Un fusion pourra également être envisagée. Cela aura pour conséquence de réduire le nombre de branches.
La loi prévoit aussi d’amorcer des négociations dans 3 branches professionnelles : celle du BTP, celle de l’intérim, et celle employant des intermittents du spectacle. L’objectif est de proposer une augmentation des montants ou un nouveau moyen au sujet de leur contribution à la formation professionnelle continue.
Conseil National De L’emploi & De L’orientation Professionnelle
Autre nouveauté : la création du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle. Ce Conseil pourra être décliné au niveau régional. Cela remet en cause la formation professionnelle puisque, désormais, la région obtient plus de pouvoir en ce qui concerne la formation dans le but de mieux cerner les besoins locaux.
Un rôle plus important est attribué aux représentants du personnel au sein de l’entreprise. C’est eux qui renseigneront les salariés sur la formation professionnelle. Ils devront donc être consultés régulièrement et se tenir au courant des changements liés à la formation. De ce fait, un syndicat sera désigné dans l’entreprise pour assumer ce rôle. Le syndicat est libre de désigner un délégué syndical lors des élections professionnelles.
En ce qui concerne le Comité d’Entreprise, le trésorier et le secrétaire deviennent obligatoires. Le CE de l’entreprise devra présenter des comptes annuels qui seront soumis à l’approbation d’une réunion au sein de l’entreprise. Ces compte-rendus devront être accessibles à tous (diffusion sur le site de l’entreprise, via des affichages dans les locaux…). Pour les entreprises employant beaucoup de salariés, ces compte-rendus devront être extrêmement détaillés. Les CE de plus petite taille devront présenter des comptes simplifiés ou ultra-simplifiés.
Un Fonds Paritaire
Enfin, le financement de la formation n’est plus lié au paritarisme. En effet, un fonds spécifique financé par les entreprises, l’Etat et les organismes paritaires a été créé en 2014. Le fonds paritaire financera la participation du patronat et des syndicats à la gestion d’organisme paritaire, la mission d’intérêt général du patronat et des syndicats lors d’échanges avec l’Etat, et enfin, la formation sociale, économique et syndicale des salariés qui exerceront des fonctions syndicales.
Les crédits du fonds paritaire seront octroyés en fonction de la représentativité des organisations et dépendent du type de formation. Pour une participation à la gestion d’organismes paritaires, les crédits seront répartis au niveau national entre les organisations syndicales et patronales. Pour une mission d’intérêt général, la répartition sera basée sur une base forfaitaire entre les patrons et les syndicats et sur une autre base forfaitaire inférieure pour les syndicats dont l’audience est supérieure à 3%. Enfin, pour la formation syndicale, économique et sociale des salariés, la répartition dépendra des audiences, pour les organisations atteignant plus que les 3%.
OPCA Le Collecteur Exclusif
Au niveau de l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé), quelques changements sont à prévoir. Tout d’abord, il devient le collecteur exclusif de la contribution unique. À ce titre, l’OPCA doit tout mettre en oeuvre pour assurer une certaine qualité au niveau de la formation. De même, des outils pour l’entretien professionnel devront être mis en place. L’OPCA pourra avoir des missions spécifiques pour développer la formation après un accord de branche. Les entreprises pourront, en plus de leur contribution obligatoire, effectuer des versements à leur OPCA dans le but de développer l’accès à la formation.
Ainsi, les missions des OPCA évoluent. L’accompagnement pédagogique et au niveau des ressources humaines devra être renforcé. De plus, les salariés devront être mieux informés en ce qui concerne l’accès à la formation.
Et Le Salarié Dans Tout Ça ?
Du côté des salariés, de nouveaux droits leurs sont accordés. Par exemple, si leur employeur ne leur accorde pas de formation ou n’adapte pas leur poste de travail, le salarié peut utiliser comme recours le droit opposable. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, si pendant six ans, le salarié n’a pas bénéficié d’au moins deux de ces trois mesures : progression salariale ou professionnelle, accès à la formation et obtention d’éléments de certification, le CPF du salarié sera crédité de 100 heures.
Puisque cette réforme vise à développer l’accès à des formations qualifiantes, si le salarié en bénéficie, il pourra plus facilement demander une augmentation de salaire et même une évolution professionnelle. Cela fera donc l’objet de plusieurs négociations entre les employés et les employeurs.
Toutefois, le salarié a une obligation importante. Il devra informer son employeur de son départ en formation au moins 60 jours avant dans le cas où la formation dure moins de 6 mois et au moins 120 jours avant le début de la formation lorsqu’elle est supérieure à 6 mois. Si l’employeur ne répond pas à cette demande, cela constitue une forme d’acceptation.
Inspection Du Travail Et Sanctions Administratives
La Loi donne de nouveaux droits aux inspecteurs du travail. Désormais, ils peuvent sanctionner les entreprises et leur infliger des amendes grâce à un dispositif de sanction administrative et non plus pénale comme c’était le cas. Les inspecteurs auront également le droit d’interrompre des travaux s’ils estiment qu’un danger existe. Jusqu’ici, seul le secteur du BTP était concerné. L’organisation de l’inspection du travail est donc modifiée. Des « équipes de contrôle » réunissant entre 8 et 12 agents auront pour mission de rédiger les bilans et de les remettre à un responsable.
Durée Minimale Du Temps Partiel
Dernière mesure importante de cette réforme de la formation professionnelle, la durée minimale du temps partiel est modifiée. Début 2014, le gouvernement avait décidé que la durée minimale d’un temps partiel devait être de 24 heures par semaine. Cette mesure, qui devait être appliquée dès le 1er janvier 2014, a été reportée au 1er juillet pour permettre aux entreprises de finaliser un accord. Pour les contrats conclus entre le 1er janvier et le 30 juin, l’employeur peut négocier un nombre d’heures inférieur puisque la mesure est suspendue. Les salariés pourront, à partir du 1er juillet, demander à travailler 24 heures par semaine. De ce fait, l’ensemble des contrats à temps partiel seront concernés par cette durée minimale à partir du 1er janvier 2016.
Une Réforme, Des Changements
Cette réforme apporte donc un changement en ce qui concerne la formation professionnelle et la relation entre l’employeur et le salarié. Elle amène un droit à la formation pour tous, qui est désormais directement lié à une personne et non plus à un contrat de travail. De ce fait, le salarié est désormais l’acteur de son parcours de formation professionnelle. Mais, il faut espérer qu’il sera bien informé et bien orienté surtout si le salarié travaille dans une petite entreprise ou qu’il a peu de qualifications.
L’idée est donc de développer le dialogue social dans les entreprises de grande taille et de l’instaurer dans celles de taille moyenne ou de petite taille. Au cours de l’année, de nouveaux décrets (environ une trentaine) seront publiés et ils apporteront des précisions sur certains points, avant l‘entrée en vigueur de la Loi en janvier 2015.
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